Confinement oblige, la lecture demeure une activité de choix pour combattre la solitude et l’ennui que peut générer la distanciation sociale. Les bibliothèques ont désormais le statut de service essentiel, et nos librairies préférées demeurent accessibles en ligne. Il n’y a donc aucune raison valable de ne pas s’adonner à ce loisir.
En panne d’inspiration après avoir lu compulsivement dans la dernière année? Qu’à cela ne tienne, nous vous avons concocté une liste de prescriptions littéraires Made in Québec.
Toutes les œuvres citées sont disponibles via leslibraires.ca. Cliquez sur le lien du titre qui vous intéresse pour vous le procurer.
Nous assumons le caractère non exhaustif et tout à fait subjectif de cette liste.
Une lecture féministe
Fille de fer, par Isabelle Grégoire (Québec Amérique)
Quatrième de couverture
Seule femme dans un monde d’hommes qui lui est hostile, Marie est conductrice de train minier dans le Nord québécois. Un soir de tempête, son convoi s’immobilise. Déraillement? Elle se précipite au-dehors pour mesurer les dégâts et se retrouve face contre neige, blessée. Elle est recueillie par un mystérieux ermite, envoûtant et lettré. Sur fond de préoccupations environnementales, de tensions entre Blancs et autochtones, se tisse une histoire d’amour. Une histoire périlleuse et sauvage, comme le territoire que Marie sillonne avec son train.
Une lecture pour réfléchir
Guérir du mal de l’infini, par Yves-Marie Abraham (Écosociété)
Quatrième de couverture
Nous sommes de plus en plus nombreux à comprendre qu’il n’y aura pas de « développement durable » et à envisager la « décroissance » comme seule manière d’arrêter la catastrophe en cours. Mais que porte ce mouvement et courant de pensée aux visages multiples? Synthèse claire et originale des réflexions qui s’inscrivent dans cette perspective, Guérir du mal de l’infini est aussi un convaincant plaidoyer pour refuser la croissance et envisager la transition d’un monde essentiellement basé sur l’entreprise vers un monde fondé sur les communs. Car le problème que pose la course à la croissance illimitée n’est pas seulement qu’elle détruit ce qui rend nos vies possibles, c’est aussi qu’elle nous éloigne sans cesse davantage de la liberté et de l’égalité qui nous ont été promises. Tel est le « mal de l’infini ». Pour en guérir, les prières aux gouvernements et les incantations vertueuses ne suffiront pas. Une vraie bataille est à mener, sur plusieurs fronts, et ce livre offre un moyen de s’armer pour avancer sur celui des idées.
Une lecture originale
Éléas, de Nicolas Falcimaigne (Éditions Trois-Pistoles)
Quatrième de couverture
Toi qui t’apprêtes à parcourir ces pages, saches qu’elles t’apporteront plus que tu ne penses.
Au-delà de tout le non-dit et entre les lignes de ta propre pensée, un Québec nouveau, inconnu de lui-même, est en train d’émerger.
Ce livre-récit en est le témoin.
Dans ce pays transcendant du non pays où surviennent sans l’avouer de grandes migrances intérieures alors que ses propres ressortissants — sauvages ou domestiqués, urbains ou périphériques — passent pour des allogènes, une voix surgit soudain entre travailleurs agricoles et artisans bièricoles.
Une lecture fantastique
Servitude, de Raphaëlle B. Adam (Tryptique)
Quatrième de couverture
Riverbrooke a toutes les apparences d’une petite ville ordinaire, mais elle ne figure sur aucune carte. C’est une bourgade à la géographie changeante, où s’entremêlent les ombres et les rires évanescents, où le vent murmure ses histoires et où les vies se forgent dans les regards aliénés de ses habitants. Une ville qui peut prendre racine partout, et se montrer introuvable quand elle le souhaite. Riverbrooke est une ville-bête, une ville-mirage. Un monstre avide de prendre et de distordre, d’assombrir ou d’illuminer, avant de tout recracher sur son passage.
Riverbrooke peut aussi être chez vous, s’il vous arrive d’ouvrir le bon œil.
Ce livre regroupe dix-sept nouvelles inquiétantes, déstabilisantes : des histoires qui nous habitent, qui nous grugent de l’intérieur; des portraits singuliers, horrifiants. Lorsque l’on ouvre ce livre, on se retrouve à la merci de Riverbrooke. Et l’on doit honorer sa servitude
Une lecture à faire frissonner (au propre comme au figuré)
Soleil de glace, de Carl Rocheleau (Six Brumes)
Quatrième de couverture
Première partie : L’aquilon : Huit ans ont passé depuis la crise du verglas.
Même si les pluies qui ont dévisagé le Québec sont parties, le froid, lui, est resté. Dans un immeuble qu’on nomme L’aquilon résident des locataires qui ont tous froid à leur manière. Le vent du nord nous ouvre les portes afin de nous les faire connaître.
Deuxième partie, L’albatroce : Il neige depuis vingt ans.
Le pays n’est plus que l’ombre de ce qu’il était. Après deux décennies à tenter de survivre au Québec, un petit groupe prend la route vers Jacksonville, le nouveau refuge des Québécois. Il paraît que c’est là-bas que se sont retrouvées les quatre saisons qui manquent tant aux victimes du vent nordique. Mais on ne quitte pas sa patrie aussi facilement, et la mort attend les migrants sur la longue route qui les mène vers la terre promise…
Une lecture surprenante
Querelle de Roberval, de Kevin Lambert (Héliotrope)
Quatrième de couverture
Les ouvriers et ouvrières de la scierie de Roberval sont en grève. Sous l’apparente cohésion de la lutte, on découvre rapidement les revendications plus personnelles de chacun. Ils partagent toutefois un même désir d’échapper à la misère et de se venger de leur boss, Brian Ferland. Alors que le conflit s’enlise, le lockout que décrète Ferland réveille en eux une rage enfouie. La folie s’empare des employé·e·s, qui rejoignent la ronde infernale du beau Querelle, héros de Jean Genet copié-collé dans ce décor québécois, élément de chaos, sable dans l’engrenage de la machine économique, hétérosexuelle et patriarcale. Tout est désormais permis. Ils cassent des bouteilles sur la plage, règlent leurs comptes à coups de batte de baseball. Et puis ils font pire, bien pire…
Une lecture dans un monde parallèle
L’œuvre d’Alain Gagnon
Créateur de l’Euxémie, région fictive du Québec, Alain Gagnon promet un voyage déroutant dans un Québec où l’on se reconnait, mais où l’étrange n’est jamais loin. Un auteur à décrouvrir!
Une lecture au parfum de sapinage
Encabanée, de Gabrielle Filteau-Chiba (XYZ)
Quatrième de couverture
Anouk a quitté son appartement confortable de Montréal pour un refuge forestier délabré au Kamouraska. Encabanée loin de tout dans le plus rude des hivers, elle livre son récit sous forme de carnet de bord, avec en prime listes et dessins. Cherchant à apprivoiser son mode de vie frugal et à chasser sa peur, elle couche sur papier la métamorphose qui s’opère en elle: la peur du noir et des coyotes fait place à l’émerveillement; le dégoût du système, à l’espoir; les difficultés du quotidien, au perfectionnement des techniques de déneigement, de chauffage du poêle, de cohabitation avec les bêtes qui règnent dans la forêt boréale…
Une lecture océanique
Aquariums, de J.D. Kurtness (L’instant même)
Quatrième de couverture
Dans un avenir qui nous est proche, une jeune biologiste québécoise fait sa marque en parvenant à recréer, et donc sauver, des écosystèmes marins. Cette reconnaissance du milieu scientifique lui vaut d’être invitée à participer à une expédition dans l’Arctique, en compagnie de collègues du monde entier. Pendant leur absence, l’humanité est presque éliminée par un virus. Isolés en pleine mer, les exilés vivent ces événements avec un détachement bien involontaire, raconté par une narratrice attachante au regard lucide. De son enfance à son voyage, entre la grande Histoire et celle, plus modeste, de sa famille, elle nous raconte la vie, sous toutes ses formes.
Une lecture crue, mais vraie
La vie au-dehors, de Geneviève Boudreau (Boréal)
Quatrième de couverture
Une tortue à la carapace percée qu’on promène comme un chien. Un adolescent résigné à abattre un animal prisonnier d’un piège. Un chat adoré disparu dans des circonstances louches. La vie au-dehors, c’est celle qui se déroule loin de la ville, loin de la protection qu’offrent les murs, la proximité des êtres. La nature humaine s’y dévoile à travers les rapports avec les bêtes qu’on côtoie au quotidien. Qui domine qui, alors qu’un taureau peut broyer son propriétaire en un instant tout en dépendant de sa bienveillance jour après jour?
Dans les familles, les échanges sont faits de lieux communs et le silence se substitue aux épanchements. Comme si le langage des animaux s’était imposé aux hommes, ce sont les gestes et les regards qui trahissent l’intensité des émotions et révèlent les hontes noyées au fond d’un verre, les tendresses cachées, les espoirs furtifs. Les enfants apprennent tôt qu’il vaut mieux taire leurs sentiments au contact d’adultes à qui les codes agricoles demandent un pragmatisme sévère. C’est ce savoir impitoyable, celui de gens qui connaissent les effets du temps et la force brutale de la nature, qu’on transmet en héritage.
La Vie au-dehors est faite de vingt-huit nouvelles brèves et dures, instants saisissants qui disent avec une grande force poétique la précarité de la vie et l’intensité des conflits moraux se jouant dans des moments en apparence insignifiants. Geneviève Boudreau sait, au détour d’une phrase, condenser avec fulgurance le geste ancien d’une main qui tisse autant que le sort d’un village peu à peu déserté. Il en reste des visions mélancoliques, étranges et bouleversantes d’une campagne à la fois familière et cruelle.
Voilà qui devrait vous remonter le moral pendant ces longues journées d’hiver. Bonne lecture!