Bonjour Mélanie Jeanne Francoeur! J’aimerais que nos lecteurs apprennent à te connaître. D’où provient ta passion pour l’écriture?
La question qui tue! Ma réponse est tellement ennuyante. J’en suis désolée à l’avance.
Quand j’étais jeune, je débordais d’imagination (cliché, non?). Dès l’âge de sept ans, j’ai rédigé ma première histoire intitulée « La coccinelle à pois rouge ». C’était un livre illustré au sujet d’une coccinelle victime d’intimidation à l’école des coccinelles. Ha! Ha!
Quelques années plus tard, j’ai persuadé ma sœur de m’épauler sur les bancs de l’édition d’un bulletin hebdomadaire imaginaire tout à fait saugrenu et farfelu pour nos fameux membres inexistants. On y abordait des thèmes tels que la magie noire, les animaux imaginaires, les repères de monstres, tout en y illustrant des cartes très détaillées. Notre éthique de travail nous tenait grandement à cœur dans un sérieux effort de transmission d’informations pertinentes.
Vers l’âge de onze ans, mes grands-parents m’offrirent la collection des romans Anne, la maison aux pignons verts. Je me suis instinctivement identifiée à la protagoniste, Anne Shirley, une petite orpheline originaire des Maritimes. Rêveuse, elle s’émerveille devant la vie. Mais surtout, elle écrit et publie un roman, chose qui était assez incroyable pour une jeune femme de son époque. Comme je souhaitais être comme Anne! C’était mon idole livresque : rebelle, intelligente, loyale, courageuse et auteure. J’ai su à cet instant que, moi aussi, je voulais écrire. Provenant d’une famille militaire, je dus m’adapter et m’intégrer à de nouveaux environnements tout comme ce personnage littéraire au cours de ses premières épreuves de vie. J’éprouvais les mêmes émotions qu’elle et je m’associais à son âme. Pour tout dire, j’avais l’impression d’être en ma propre présence à une époque antérieure.
À mon plus grand regret, je n’ai pas étudié en littérature, ne me croyant pas dotée des capacités nécessaires pour devenir auteure. Qui plus est, il me fallait choisir une carrière pour subvenir à mes besoins. Ainsi, j’ai complété une technique en travail social. J’ai également étudié un an en communication publique. Faute d’un retour dans les Maritimes entretemps, je n’ai malheureusement pas terminé mon baccalauréat.
C’est dans le cœur de ma vingtaine que j’ai finalement rédigé mon premier roman pour jeunes adultes. Je n’arrivais tout simplement plus à supprimer mon désir d’écrire. J’éprouvais le sentiment d’être inaccomplie. Il me fallait essayer, ne serait-ce que pour combler ce besoin inassouvi. J’estimais que j’avais enfin assez d’expérience de vie pour pouvoir coucher sur papier quelque chose qui ait un peu d’essence. J’écrivais de nuit lorsque je travaillais dans un centre de traitement pour les jeunes. Puisqu’en général, c’était assez tranquille, je pouvais consacrer un peu de temps à l’écriture. Quand j’ai eu terminé la rédaction de mon manuscrit, je l’ai abandonné pendant quelques années. Je n’y croyais plus. Selon moi, c’était ridicule. Il faut dire que j’ai toujours manqué un peu de confiance en moi. C’est lors de mon deuxième congé de maternité, alors que j’avais peu de projets personnels, que j’ai décidé de le soumettre à une maison d’édition. Je n’avais rien à perdre, après tout. Sans toutefois être une professionnelle, je crois que j’ai des messages à transmettre à travers mes histoires. Je ne suis ni philosophe ni psychologue, mais j’ai des idées qui peuvent sortir de la norme. Et mon imagination ne m’a jamais abandonnée…
Pourrais-tu résumer le récit de La bile noire?
La bile noire raconte l’histoire de quatre jeunes adultes qui se perçoivent comme étant marginalisés par la société. Chacun est porteur de secrets et d’un lourd passé. Ils vont s’unir pour vivre dans un squat en retrait de tous. S’ils croient que c’est la meilleure solution pour se tirer d’un mauvais pas, ils se trompent amplement. Leur havre de paix tourne en fait en véritable cauchemar alors qu’ils deviennent codépendants. Ils se torturent psychologiquement. Le titre du roman fait référence au mal de vivre qu’ils éprouvent, à leur mal du siècle, dans ce monde quelque peu futuriste et dystopique où ils n’arrivent pas à trouver leur place. En d’autres termes, ils sont déprimés et assaillis de tourments.
On va notamment suivre les traces de Scarlett Wynd, une jeune femme excentrique qui fuit ses malheurs. Ses ennuis ne sont en fait que le début d’un périple fastidieux sur le chemin de l’itinérance qui mène vers la dépendance, la violence, la prostitution et l’automutilation, mais avec une subtilité qu’elle ne voit pas venir.
Pourquoi avoir choisi d’écrire un thriller dystopique?
En grandissant, j’ai commencé à faire de l’écoanxiété. C’est-à-dire que j’étais obsédée par l’idée que les humains détruisent leur monde et qu’il n’y ait probablement plus grand-chose à faire pour remédier à la situation. C’est vrai. Combien de fois me suis-je endormie en pleurant en pensant aux baleines et à la forêt Amazonienne? Après l’école, j’allais ramasser les déchets qui traînaient au parc en avant de chez moi. Je martelais le crâne de tous ceux qui ne recyclaient pas une bouteille à un point tel que j’ai dû me résoudre à la triste réalité : il est peut-être déjà trop tard, car ceux qui ont le pouvoir de changer les choses ne le font jamais. Et c’est ainsi que je me suis développé une vision négative du futur. C’était si intense que je n’avais même pas envie d’avoir d’enfants, car je ne voulais pas qu’ils assistent au début de la fin du monde. En vieillissant, j’ai pu lâcher prise tout en faisant mon possible et ma part pour la planète.
De ce fait, j’ai l’impression que nous sommes déjà dans une dystopie, et je désirais écrire une histoire qui se tient dans un futur rapproché; un futur presque plausible.
Ironiquement, je suis friande d’histoires de fin du monde. Donnez-moi des tornades, des volcans, des aliens, des catastrophes naturelles, des robots, des sociétés disjonctées, je vais en manger! Peut-être est-ce un mécanisme de défense du genre : « Exterminons les humains avec grandeur qu’on en finisse une fois pour toutes et qu’on n’en parle plus ».
Quelle est ta définition de ce genre de récit?
Sans trop compliquer les choses, je dirais que c’est une catégorie de romans qui regroupe les récits qui illustrent des futurs lugubres tout en élaborant un monde à travers des intrigues.
Lis-tu des romans dystopiques? Si oui, quels sont tes auteurs préférés?
Des romans, oui, mais surtout des films dystopiques.
Par contre, un des romans dystopiques qui m’a le plus marquée est Les âmes vagabondes, de Stephenie Meyer. Il y est question d’une jeune femme nommée Mélanie (c’est sûrement pour cela que je l’ai tant aimé!) qui se rebelle contre des extraterrestres qui viennent s’implanter dans la conscience des humains pour les rendre meilleurs. De plus, il y a une grande histoire d’amour où l’homme de sa vie devient son ennemi. Alors, voilà! Je suis quétaine comme ça, parfois.

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Quels ont été les éléments les plus difficiles à créer dans ton histoire et pourquoi?
À vrai dire, je n’ai pas reçu de direction littéraire, donc j’y suis allée d’instinct et avec le cœur. Je comprends que je peux encore améliorer ma syntaxe, qu’il y a certainement des coquilles grammaticales. Je sais aussi que j’ai développé une plume qui m’est propre et j’espère pouvoir continuer de la peaufiner grâce aux retours de mes lecteurs, et en lisant davantage, même si la vie va trop vite des fois.
Pourquoi n’as-tu pas eu de direction littéraire?
C’est peut-être l’un de mes seuls regrets concernant la publication de ce premier livre. J’aurais préféré aller chercher une direction littéraire au privé, mais faute d’un budget restreint, j’ai simplement soumis mon manuscrit par deux fois à de petites maisons d’édition. Mon étonnement a été grand lorsqu’il a été accepté dans sa première forme. Je n’ai pas eu recours à des bêta-lecteurs non plus. Aujourd’hui, je sais que c’est une ressource trop précieuse pour ne pas l’exploiter. C’est qu’au début, je n’imaginais pas du tout l’aboutissement de ce projet. C’était réellement toute qu’une surprise! Nonobstant, je n’omettrai plus l’étape fondamentale de la direction littéraire lorsqu’il sera question de mon second roman, qu’elle soit offerte par une maison d’édition ou au privé.
Qu’as-tu aimé le plus en rédigeant ce livre?
C’est certainement l’excitation qui pétillait en moi. Le simple fait de concevoir que quelqu’un puisse éventuellement lire votre roman est une source de motivation inépuisable. Imaginer pouvoir en discuter avec un lecteur inspiré par les thèmes abordés l’est encore plus!
D’où te vient ton inspiration pour la création de ton personnage principal, Scarlett Wynd?
Scarlett est une antithèse titanesque. Elle est par moment forte, intrépide, indépendante et féministe. Cependant, elle est parfois soumise, autodestructrice, fragile et méchante. J’ai voulu créer un personnage qui n’est pas parfait sans toutefois tomber dans la catégorie des antihéros. Je souhaitais qu’on s’attache à elle, mais qu’elle nous dégoûte par ses moments de faiblesse, ses idées noires et ses mauvaises décisions, que, souvent, elle prend consciemment, comme lorsqu’elle choisit de se prostituer juste pour le « thrill ».
Scarlett est aussi un méli-mélo de caractéristiques appartenant à des clientes de milieux défavorisés, de jeunes femmes itinérantes polytoxicomanes que j’ai rencontrées lorsque je travaillais dans un centre de jour.
Est-ce qu’il y a un peu de Mélanie dans Scarlett? Assurément. Mais nous différons grandement sur bien des aspects. Je dois avouer que je me suis promenée un peu partout au Canada sur le pouce. J’ai dormi à la belle étoile, et non par choix. J’ai vécu des histoires rocambolesques où je flirtais avec le danger. Oui, il y a longtemps, je savourais pleinement la liberté et je traquais l’aventure. Heureusement, tout s’est bien déroulé pour ma part. Contrairement à Scarlett, j’ai toujours préservé mes valeurs et refusé de me faire corrompre ou enjôler.
As-tu d’autres projets d’écriture?
Certainement! Je viens de terminer de rédiger un roman de 80 000 mots. Cette fois, c’est un planète opera sombre. Je pense qu’il se démarque des autres romans de son genre avec une histoire davantage centrée sur les personnages que sur le lieu d’exploration, tout en étant bien plus glauque. Il comporte incontestablement plus d’action que La bile noire et il est également plus gore. Je vais terminer de le retravailler sous peu. Advienne que pourra. Je comprends que la science-fiction n’est pas un genre qui se vend au Québec, mais je ne peux m’empêcher d’écrire ce qui fait battre mon cœur.
2 comments
Regis Francoeur
Un roman savamment orchestré et d’une réalité qui ressemble à la vie des jeunes gens d’aujourd’hui. Félicitation.
Sébastien Duperron
Nous ne pouvons qu’être d’accord!
Merci!