Mafia Inc., réalisé par Podz, avec Marc-André Grondin, Gilbert Sicotte et Sergio Castellito. 2 h 23. À l’affiche maintenant. Cliquez ici pour connaître l’horaire des représentations.
Ce n’est pas un secret pour personne : les adaptations cinématographiques de bouquins sont rarement (pour ne pas dire jamais) à la hauteur du matériel original.
Je dirais que Le Parrain est, selon moi, l’exception qui confirme la règle. Francis Ford Coppola a brillamment relevé le pari avec les deux premiers films de la série, adaptations du roman de Mario Puzo. C’est probablement dû au fait que Puzo a participé à l’écriture du scénario (de même que Robert Towne, scénariste de Chinatown, un autre chef-d’œuvre). Toutefois, je considère toujours, après plusieurs lectures et visionnements, que le roman est un peu meilleur que les deux films.
Vous comprendrez donc mon scepticisme lorsque j’ai eu vent que le réalisateur Podz travaillait à l’adaptation cinématographique du livre Mafia Inc., paru aux Éditions de l’Homme en 2010.
J’ai longtemps eu un intérêt pour les histoires tournant autour du crime organisé, que ce soit la mafia italienne ou irlandaise, la pègre russe, ou même les triades asiatiques. Je me suis donc empressé de mettre la main sur ce livre, qui relatait l’histoire de la famille Rizzuto, écrit par deux journalistes d’enquête chevronnés, André Cédilot et André Noël. Les habitués de l’émission Tout le monde en parle connaissent sans doute ces deux hommes, aujourd’hui retraités, qui sont souvent invités sur le plateau pour discuter du monde interlope et des criminels de tous genres.
Je n’ai pas adoré le livre lors de ma première (et seule) lecture. Je trouvais que le style du récit faisait défaut. Aucune émotion. Les auteurs avaient pris un sujet très intéressant et l’avaient transformé en lecture plate. Mes attentes envers ce livre étaient peut-être trop élevées.
Je dois admettre que, dans le genre que l’on appelle « True Crime » en anglais, les Américains ont un don qui surpasse la plupart des autres auteurs (il faut dire qu’ils ont suffisamment de matière première pour s’inspirer, aussi). Peut-être avais-je trop lu de livres de ce genre auparavant… Je n’en lis presque plus d’ailleurs; j’en ai fait une indigestion.
Donc, j’avais terminé la lecture du livre en me sentant comme si je venais d’assister à un concert de U2 sans The Edge. J’étais resté sur mon appétit.

Comment vont-ils s’y prendre?
Étant moi-même scénariste à mes heures, j’accorde toujours beaucoup d’importance au scénariste choisi par les producteurs d’un film. Souvent, c’est plus important pour moi de savoir qui a écrit le film que de savoir qui le réalise ou qui sont les acteurs. Si j’ai aimé un film d’un certain scénariste, je vais toujours garder l’œil ouvert pour ne pas manquer ses prochaines œuvres.
Je me demandais donc comment le scénariste Sylvain Guy allait s’y prendre pour convertir ce livre sans éclat (à mes yeux, du moins) en film intéressant. C’était un pari risqué. D’autant plus qu’au Québec, mis à part la série Omerta, il est rare que nous ayons nagé dans les eaux de la mafia au cinoche ou à la télé…
Eh bien, Sylvain Guy a réussi avec brio. Le scénario est excellent. Rempli d’émotions, de personnages attachants (oui, même les méchants) et d’humanité. Il y a plusieurs personnages, plusieurs trames, mais on ne perd jamais le fil des histoires.
Si le film est si bon, c’est probablement parce que les noms des personnages ont été changés. Vous n’entendrez jamais le nom Rizzuto dans le film. En prenant cette décision, Sylvain Guy s’est donné les coudées franches pour écrire l’histoire qu’il voulait écrire. Le film aurait été bien différent si le parrain s’était appelé Vito Rizzuto au lieu de Frank Paterno. Ou s’il n’avait pas créé le personnage du tailleur, joué de façon magistrale par Gilbert Sicotte, et celui de son fils, campé par Marc-André Grondin, qui est, à mon avis, le meilleur de sa profession au Canada à l’heure actuelle.
Et que dire du parrain? Sergio Castellito, qui a une longue feuille de route, mais que je ne connaissais pas du tout, est parfait pour le rôle. Il est impeccable. Je lui prédis une nomination aux prochains galas du cinéma québécois et canadien, si ce n’est pas une victoire.
Mafia Inc., le film : du sang frais
Ce que je reproche souvent au cinéma québécois, c’est que l’on nous sert souvent les mêmes visages. Combien de fois voit-on Roy Dupuis ou Julie Perrault au haut de l’affiche? C’est encore pire à la télé.
Mais ce n’est pas le cas ici. Le réalisateur Podz a choisi de faire confiance à des acteurs que l’on voit peu ou pas du tout. On connaît bien Grondin et Sicotte, c’est vrai, mais ce casting est parfait. Toutefois, Sergio Castellito, Mylène Mackay, Donny Falsetti et une foule d’autres acteurs sont de nouveaux visages qui livrent des performances à la hauteur. C’est rafraîchissant.
Tous ces facteurs font donc en sorte que nous nous retrouvons devant un excellent film, sans longueurs (même s’il dure près de 2 h 30), qui n’a rien du tout à envier au bouquin dont Sylvain Guy s’est inspiré pour nous livrer un véritable bijou de scénario. Un des meilleurs films que j’ai vus depuis longtemps, québécois ou non! Chapeau!
Maintenant, je dois vous laisser, je vais aller regarder de vieux épisodes d’Omerta…