Résumé du roman Marie-Lumière, de Lucie Pagé :
Née de mère mohawk, la Dre Marie-Jeanne Richard est exaspérée. Après trente ans de thérapie et d’antidépresseurs, elle ne se sent toujours pas libérée de sa honte d’elle — même, ni du traumatisme de ses seize ans. Son mari, Louis, et son amie Sofia, ostéopathe, la convainquent d’essayer une plante médicinale ancestrale de l’Amazonie. Marie-Jeanne participera donc à une cérémonie d’ayahuasca offerte par des chamans du Brésil et d’Afrique du Sud, sur le territoire mohawk de Kanehsatake. C’est alors qu’elle verra la lumière et entreprendra de construire un pont entre les plantes médicinales autochtones et la médecine occidentale.
« — Je veux vraiment guérir. Il y a quelque chose en moi qui crie. »
À travers votre personnage principal, Dre Marie-Jeanne Richard, vous démontrez que faire de l’introspection et s’ouvrir à la spiritualité est la première étape d’une guérison réussie. Pouvez-vous expliquer aux lecteurs dans quel contexte votre petite voix vous a crié que vous deviez guérir en faisant quelque chose de différent dans votre vie?
Eh bien, comme la Dre Marie-Jeanne Richard, j’ai passé trente ans en thérapie. Je n’en pouvais plus. Je tournais en rond. J’ai appris à fonctionner, mais je ne guérissais pas. Je me suis dit qu’au lieu de déléguer ma santé aux professionnels de la santé, je devais la prendre en main, que c’était à moi de guérir. Je crois qu’on attend du système de santé qu’on nous donne la santé. On veut une pilule magique qui va tout régler. On a oublié ce que cela veut dire que d’être responsable de sa santé, car le système dans lequel nous vivons nous a déresponsabilisés de notre bien-être. Alors, à l’âge de 54 ans, je me suis retroussé les manches et je me suis dit que j’allais guérir du mal qui m’affligeait, car aucune thérapie que je faisais et aucun médicament que je prenais ne réglait mon problème. Je ne faisais que gérer mon traumatisme, pas le guérir.
De quelle manière avez-vous créé certains de vos personnages : Marie-Jeanne, Sofia, Louis et Juliette?
Lorsqu’on écrit un roman, on se base souvent sur des gens qui nous ont inspirés dans la vie et sur nos expériences qui nous ont façonnés. Marie-Jeanne est cette femme typique de la cinquantaine qu’on retrouve partout. Évidemment, je lui ai mis quelques-unes de mes caractéristiques, car je suis, aussi, une femme typique dans la cinquantaine. Sofia est basée sur une bonne amie que j’ai et qui a décidé de prendre sa santé en main. Nous avons fait un long chemin de guérison ensemble. Quand elle a été diagnostiquée avec un cancer du sein stade trois par exemple, elle a choisi l’huile de cannabis pour se traiter, et non la chimiothérapie et la radiothérapie. Son oncologue lui a dit : « Tu n’as pas le droit de guérir ainsi! » Elle est en pleine forme aujourd’hui, en passant.
Louis est un homme typique, basé sur personne en particulier, quoiqu’il ait quelques caractéristiques de mon mari. Juliette, si vous ne l’avez pas deviné, c’est moi. Je crée dans mes personnages les éléments nécessaires pour l’histoire et le discours voulus. Pour les noms, Marie-Lumière est un hommage à mes ancêtres. Mon arrière-grand-mère s’appelait Marie-Jeanne Richard, mais à elle, je n’ai emprunté que le nom, car je ne l’ai jamais connue. Les Duplin et Brault sont du côté de ma mère, les Hamel du côté de mon père. D’autres personnages sont des amis qui sont décédés. Michèle Séguin entre autres, ma grande amie de jeunesse. Nous étions inséparables. Elle a été tuée par un chauffeur ivre. J’y pense encore 40 ans plus tard.
Honorer mes ancêtres c’est exprimer ma gratitude envers eux. Nous transportons dans notre ADN leurs caractères physiques et énergétiques. On parle souvent des sept générations passées qui ont une grande influence sur nous. Que pour sept générations, j’ai eu besoin de 128 arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-grands-parents. Alors, j’ai décidé de leur rendre hommage.
Votre héroïne, Marie-Jeanne Richard, fait l’expérience de l’Ayahuasca, une plante médicinale. Pouvez-vous décrire votre propre expérience avec cette plante?
Mon expérience avec la plante est celle que vit Juliette Brault dans Marie-Lumière. Je souffrais d’une ménopause possiblement mortelle, c’est-à-dire que j’avais des chaleurs aux vingt minutes, 24 heures par jour, si puissantes que j’en vomissais et ne pouvais pas manger ni dormir pendant des jours, ce qui m’amenait à l’hôpital. Sur une échelle de 10, je suis entrée dans la cérémonie avec une ménopause de 10 sur 10 et j’en suis sortie, six heures plus tard, avec 0 sur 10. Plus aucun symptôme. Et la médecine principale utilisée pour me guérir fut le pardon, ce qui est un travail extrêmement difficile à faire. Ce n’est pas la plante qui guérit. Elle te montre le chemin pour le faire et guérir demande de l’effort et de la persévérance. Du courage aussi.
Ce que vit mon personnage principal, Marie-Jeanne Richard, n’est pas étranger à mon expérience non plus. Cette plante m’a permis de voir les ressources que nous avons à l’intérieur de nous pour guérir. Tout y est. Il s’agit d’y faire face. Dans notre société d’aujourd’hui, qui carbure à la peur et la facilité, qui oublie que la persévérance et le travail acharné porte des fruits beaucoup plus durables qu’une pilule qu’on avale pour oublier, pour cacher ou pour enfouir, on ne privilégie pas l’avenue que je qualifierais de spirituelle. Car c’est ce que j’ai découvert avec cette plante — nous sommes des êtres spirituels, moi qui n’acceptais que ce que la science réussit à prouver. Or, je me suis aperçue que la science est une façon bien limitée de voir la vie.
Comme je dis dans Marie-Lumière : « La plante a un esprit, comme tout ce qui est vivant. Notre société nie tout cela, je sais. Le système ne veut surtout pas que nous ayons un moyen de nous guérir nous-mêmes, en trouvant une réponse à l’intérieur de nous. Le concept même de cette plante médicinale va à l’encontre des principes capitalistes auxquels nous sommes habitués, qui contrôlent nos désirs, nos besoins, nos droits, qui dénigrent toute approche thérapeutique des peuples autochtones de la planète. Car comment faire de l’argent si les gens guérissent? Notre système est en train de nous tuer, et nous avons la science pour le prouver, mais nous nous entêtons à le perpétuer. Nous vivons dans l’ère du suicide collectif socialement accepté. Dans le cas des troubles psychiatriques ou psychologiques, on t’apprend généralement à gérer le mieux possible ton mal, pas à l’éliminer. (…) Parce que dans notre monde moderne, nous avons oublié, éliminé en fait, un facteur bien important dans les quatre principales composantes de l’être humain : corps, cœur, tête et esprit. Nous ne traitons, en fait, que le corps et le cœur — nos émotions — en jouant avec la chimie de notre tête et de notre corps. Nous ne nous en tenons qu’à ce que nos cinq sens peuvent voir et comprendre. Or, on le sait, l’énergie dépasse les bornes de nos sens. On néglige l’esprit. »
Vous êtes-vous découvert une nouvelle mission de vie?
J’ai toujours eu la même mission de vie : mettre en lumière des informations qui pourraient nous servir. Marie-Lumière n’y échappe pas. C’est ce que j’ai fait de ma vie et c’est ce que je continuerai à faire.
Votre mari vous a écrit une lettre en 2020 dans laquelle il disait que Marie-Lumière apporterait une contribution précieuse au monde : celle d’entamer une conversation sur la guérison spirituelle et sur notre interconnexion avec la Terre Mère. Croyez-vous être devenue une « guérisseuse blessée », comme vous le décrivez dans votre roman?
Nous pouvons tous être des guérisseurs blessés. Tout le monde a des blessures. Personne n’y échappe. Lorsqu’on décide de les guérir (pas de les étouffer ou de les cacher sous des montagnes de pilules), on peut aider les autres à vouloir guérir leurs blessures. Les guérisseurs blessés ont décidé de faire face à leurs douleurs et souffrances. Un guérisseur blessé ne guérit personne. Il encourage les autres à vouloir guérir. Si mes mots peuvent inciter des gens à vouloir faire face à leurs blessures, tant mieux!

Retrouvez l’auteure au https://www.luciepage.com/
Désirez-vous, un jour, publier des articles sur vos recherches, vos expériences et les balbutiements de la compréhension scientifique de la spiritualité?
Marie-Lumière est exactement ceci : un écrit sur mes recherches, mes expériences et sur le pont qu’on commence à entrevoir grâce à la physique quantique, et qui relie la science et la spiritualité. Mais non, je n’écrirai pas d’articles. Ça m’a pris six mois à convaincre un magazine québécois d’utiliser le mot spiritualité dans mon article. J’ai soixante ans, je n’ai plus le temps de négocier ainsi. Je laisse la place à la nouvelle génération.
Depuis peu, on sent que le peuple québécois s’intéresse beaucoup plus aux Premières Nations. Le roman Kukum est un bestseller et a gagné un prix prestigieux. Des injustices faites aux femmes autochtones font les manchettes et sont pointées du doigt. Pourquoi cette soudaine ouverture, selon vous?
Je ne dirais pas qu’elle est soudaine, mais elle se dévoile tranquillement, grâce à tous ces auteurs entre autres, comme Michel Jean, qui en parlent depuis longtemps. C’est nous qui avons été lents à nous réveiller. La raison étant, je crois que de plus en plus de gens s’ouvrent à leur spiritualité et comprennent que les Autochtones, surtout les femmes des Premières Nations, comprennent ce lien qui unit tout ce qui est vivant : les arbres, l’eau, le sol, les animaux, les insectes, les oiseaux, les humains…
Vous avez dit à une journaliste que vous désirez écrire une suite à Marie-Lumière. Pouvez-vous en parler un peu?
Non! En fait, j’avais dit que j’en avais assez pour une suite. Elle a mal compris, ou je me suis mal exprimée. Je vais voir si je vais écrire une suite. Mais chose certaine, j’ai assez de matériel pour deux suites.
Finalement, que croyez-vous vivre lorsque vous serez dans l’autre dimension?
Ce que nous vivrons tous. Je crois que nous comprendrons que la guerre, la haine, la vengeance, la cupidité, la destruction, la jalousie, la colère sont complètement inutiles. Si on veut vraiment changer le monde, c’est soi-même qu’il faut changer. Ce ne sont pas les lois ou les politiques ou l’argent qui changeront quoi que ce soit. Ce qu’il faut, c’est éveiller les consciences au fait que nous sommes tous unis, que nous faisons tous partie de la même toile énergétique. Que le mal que nous infligeons à un est un mal que nous nous infligeons à soi-même. Que la rivière qu’on pollue, c’est notre santé que nous polluons. Que ce que nous faisons à un ou l’autre, nous le faisons à nous-mêmes. Et surtout, que la solution aux maux de cette planète n’est pas la guerre ou la haine, mais l’amour et la compassion.
1 comment
Francine
J’adore ce que Lucie Pagé nomme! En total accord… Et j’ai très hâte de lire son livre!!