L'auteur Patrice Godin

Patrice Godin : une liberté retrouvée

Patrice Godin, votre dernier opus, Toutes les vies possibles, commence de la manière suivante : « Toutes ces choses qui m’échappent. » Depuis la parution, ces choses ont-elles changé ? Y en a-t-il de nouvelles ?

Oui et non. Le temps nous échappera toujours, on ne peut le retenir. Pour le reste, je recommence tranquillement à courir, j’ai des projets de livre, la vie suit son cours…

Dans Toutes les vies possibles, on découvre le sujet d’une histoire que vous aimeriez écrire. Pour réaliser ce projet, vous voulez visiter la Norvège. Qu’est-ce qui vous fascine le plus dans cet endroit ?

C’est une île qui existe en Norvège, une île au nord, une terre encore sauvage. Il y a tellement d’ours polaires qu’apparemment, les gens doivent être armés quand ils se déplacent dans le village. J’y vois comme une sorte de western métaphysique.

Avez-vous déjà des images (très fortes ou très présentes) de ce roman en tête ?

J’en avais, mais elle se sont estompées. J’ai peut-être jeté un mauvais sort sur cette histoire en en parlant dans Toutes les vies… Je ne sais pas.

Vous dites que ce sont surtout les personnages de vos romans qui vous intéressent. Qu’est-ce qui fait en sorte que votre héroïne Teresa vous captive ?

Teresa est une jeune femme rebelle, indépendante, sauvage et forte. Qui refuse qu’on lui impose quoi que ce soit. J’ai envie d’explorer ça. Mais est-ce que ce sera à travers elle ? Je pèse le pour et le contre présentement. Il y a beaucoup de choses qui se bousculent dans mon esprit.

Vous dites que pour écrire un livre, il faut écrire et bûcher, puis trouver « le diamant qui brille dans la fournaise de notre âme ». Quand vous avez écrit Sauvage, baby et Les Chiens, quels étaient vos diamants ?

Alexia et Sam. Ces deux personnages étaient présents à l’intérieur de moi. Étrange à dire, mais ils sont deux facettes de moi-même. Je crois. Ce sont eux qui brillent.

Les thèmes du vieillissement et de la mort sont très présents dans Toutes les vies possibles. Avec le temps, avez-vous découvert des mantras qui vous aident à apaiser vos tourments ?

Je n’ai pas peur de vieillir et j’irais même jusqu’à dire que je n’ai plus peur de la mort comme c’était le cas à une certaine époque. Je n’ai pas de mantra, mais je médite. Je m’entraîne, j’essaie de mieux m’alimenter. Rien n’est parfait. Mais la beauté de la vie, c’est justement son imperfection.

Songez-vous, un jour, à publier un recueil de poèmes ?

J’aimerais bien revenir à la poésie. J’y ai peu touché depuis des années. J’écris des phrases éparpillées, des images, j’esquisse des instants. On verra ce que ça donnera en bout de ligne.

Dans le chapitre 18 de votre livre, vous parlez de surimpression du passé lorsque vous avez senti que l’enfant que vous étiez était avec vous l’espace d’un instant. Croyez-vous que cette surimpression apparaisse avec l’âge pour une raison précise ?

Peut-être. Mais je ne suis pas nostalgique. Je regarde rarement en arrière, car on ne peut rien changer de ce qui a été. Souvent, c’est une odeur, un parfum, la sensation du vent sur la peau qui me ramènent au passé. La plupart du temps, ça me fait sourire. Il arrive aussi que ça me donne un coup de blues. Règle générale, je ne m’attache pas à ça. Cette image de moi enfant s’est imposée à mon esprit à ce moment alors que je prenais contact pour les premières fois avec ma mère biologique. Je courais et les odeurs de la forêt, de la pluie, de l’automne m’ont projeté à cet instant. Je ne sais pas si c’est l’âge ou bien l’état précis dans lequel je me trouvais, cette sorte d’apesanteur de l’automne 2020.

Le doute vous habite. Quels étaient vos doutes quant à la sortie de Toutes les vies possibles ?

Je me suis demandé si j’avais bien fait de publier ce livre. Je me le demande encore. Je préfère me livrer à travers des personnages. Après l’écriture de Territoires inconnus, je m’étais promis de ne plus écrire directement sur moi. Et voilà que j’avais ce livre entre les mains… En l’envoyant à mon éditrice, je croyais même qu’elle le refuserait. Je ne savais pas quoi en penser. C’est encore un peu le cas, d’ailleurs. Mais ça ne m’appartient plus.

En retrouvant votre mère biologique, et en communiquant avec elle, on sent que vos tumultes intérieurs se sont apaisés. Est-ce que cela a eu un impact marquant dans votre vie quotidienne ?

J’ai eu réponse aux questions que je me posais. Je connais maintenant mon histoire, d’où je viens. Je me sens plus calme, plus en paix.

J’ai remarqué que vous mentionnez à quelques reprises le mot « bouddha ». Est-ce que la philosophie bouddhiste vous influence dans votre vie (pour apprivoiser l’impermanence, entre autres) ?

Je me sens plus près de la spiritualité bouddhiste que de n’importe quelle autre. Mais je n’y connais pas grand-chose et je ne prétendrai jamais être bouddhiste. Mais il y a quelque chose dans cette philosophie, cette spiritualité, qui me touche profondément.Le fait que rien ne dure et qu’il faut apprécier chaque instant sans s’y attacher, c’est quelque chose de très fort pour moi.

« Chaque âge qui passe est une vie en soi ». Selon vous, combien de vies avez-vous vécues jusqu’à maintenant ?

Haha ! Pas assez à mon goût ! Je serais prêt à avoir encore plusieurs vies…

Vous dites que « tout reste à faire ». Quelles sont vos priorités dans votre vie en ce moment ?

Chaque jour, chaque instant est à faire, à construire, car il ne reste rien d’hier, seulement des traces, qui s’effaceront avec le temps. Personne d’autre ne se souviendra de ce petit garçon qui jouait au hockey sur un lac gelé avec son chien. Personne d’autre que moi. Et quand je ne serai plus là, ça n’existera plus. Ç’aura été là un court instant dans l’univers. Je crois que tout ce qu’il reste à faire, c’est de vivre et tenter de rendre le monde meilleur…

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