Tous les matins en me rendant au travail,
Et tous les soirs en revenant à la maison
Je le vois marcher d’un pas régulier le long du boulevard
Où la circulation est dense à ces moments de la journée.
Il évite le trottoir et préfère la rue.
Son regard fixe l’avant, toujours.
L’homme à la boîte marche, marche, marche…
On ne connaît pas son nom,
Ni ce que contient cette boîte qu’il porte devant lui
Comme une offrande.
Ses journées se passent ainsi,
Et ses visites au petit snack du coin
Confirment qu’il ne possède rien d’autre
Que cette bizarre boîte en carton.
On lui offre un hot dog, des frites, un coke
Et il repart sans dire un mot.
Il marche, marche, marche…
Énigme dans la ville,
On se demande ce que contient cette boîte
Qu’il porte si précieusement.
Certains parlent des cendres d’un amour décédé,
D’autres, d’une fortune obtenue Dieu sait où.
Il marche, marche inlassablement,
Cet homme à la boîte dont ne sait pas le nom.
On le protège des insultes, on le plaint parfois,
Surtout les jours de pluie ou de grand froid.
Et puis, un jour, on l’attaque dans un petit boisé
Où il avait l’habitude de dormir.
On retrouve son corps marqué de coups,
Sa boîte n’est plus là.
Cet homme ne marche plus.
Cet homme ne marchera plus, jamais!
J’irai déposer des fleurs là où sa vie s’est terminée.
Je me questionnerai sur ce qui s’est passé.
Pourquoi s’en prendre à cet homme sans ressource, sans malice,
Déjà tellement brisé par la vie?
On fait enquête, on émet des hypothèses,
On offre une récompense pour des informations utiles
Mais personne ne se manifeste.
On parle de cette agression, de ce meurtre,
D’une enquête bâclée.
Un itinérant… au fond…
Cet homme à la boîte qui marchait
Tout le temps, sans s’arrêter,
Cet homme ne marche plus.
Avait-il au moins vécu?
Après toutes ces années
Je repense à cet homme
L’avez-vous déjà vu?
L’avez-vous déjà croisé portant sa boîte lourde de sens?
Cet homme qui marchait tout le temps,
Avait-il eu une enfance, une jeunesse?
Avait-il aimé? Avait-il été aimé?
N’était-il qu’une simple tache dans notre paysage?
Une honte dans la ville?
Cet homme à la boîte
Portait ses doutes, ses peines,
Et l’inconnu dans son seul bagage.
Avançant vers la lumière, il ne voyait que l’ombre.
Suivre le même chemin que cet homme
Reprendre la même route
Avec une boîte invisible
Celle que l’on porte en dedans de soi
Et qui certains jours devient lourde…
Lourde du regard des autres
Lourde de sens
Lourde de culpabilité, de regret, de remords
Alors que personne n’attend au détour.
Les organismes d’aide à l’itinérance du Québec ont besoin de votre aide. Aidez-les à combattre ce fléau en contribuant, que ce soit par un don en argent ou de temps. Voici quelques organismes que vous pouvez aider :
3 comments
Sylvie Jean
Hélène Massé j’ai pris plaisir à te lire.
Merci, pour cette lecture, merci pour eux …
Lyle Elder
We all have a box we carry. Each and every one of us.
Ginette
Très touchant…qui n’a pas croisé le chemin d’un homme qui marche à l’infini…