Page couverture du roman Maggie d'Irlande par François Guilbault

François Guilbault : quand l’Irlande séduit et inspire

Bonjour François Guilbault! Le roman Maggie d’Irlande s’inscrit dans la saga Femmes de liberté que vous avez publiée en 2018 et 2019. Pouvez-vous expliquer le lien entre les deux?

Plusieurs choses lient les trois tomes de Femmes de liberté entre eux et Maggie d’Irlande.

Il y a d’abord un lien de personnages. Les héroïnes sont des femmes de la même lignée. Il y a d’abord Françoyse Pasquin (Les plaines de Nouvelle-France) et ensuite Moone, sa fille adoptive, dans 13 étoiles et Révolution, qui deviendra Victoire de Maugeois suite à son mariage avec Lucien de Maugeois, comte de Boissières. C’est dans ce dernier roman que l’on rencontre pour la première fois Maggie. C’est la sœur cadette de Lucien. Ayant des passés différents les uns des autres, ces trois femmes se ressemblent par leur trempe et leur grand cœur.

Il y a un lien dans les épreuves de la vie de ces héroïnes. Les amours déçus. L’esclavage. L’oppression. Les blessés au combat. Les amies qui meurent. Les hommes aimés qui disparaissent. Le travail dur.

Il y a aussi le lien des bouleversements sociaux. La Nouvelle-France de Françoyse Pasquin sera conquise. Moone, sa fille, sera au cœur de la Révolution américaine, qui opposera frère contre oncle. Devenue Victoire et débarquée en France, elle sera témoin des massacres de Nîmes au début de la Révolution française. Une tragédie causée par le fanatisme et la religion. Finalement, Maggie se retrouvera, à son corps défendant, au cœur d’une révolution irlandaise avortée.

Pourquoi avoir choisi de parler de la Société des Irlandais unis dans votre histoire?

C’est ma prise de connaissance avec cette Société qui m’a convaincu qu’il y avait une histoire à raconter et que Maggie en serait le pivot. Ça m’a beaucoup fait penser à la société des Patriotes, au Québec. Beaucoup de ressemblances. Sort identique ou presque. Ce que j’ai tenté de faire, c’est de présenter ce regroupement vu de l’intérieur. La fierté, la ténacité et la résilience du peuple irlandais. Qu’est-ce qui motivait les adhérents de cette organisation? Étaient-ils conscients de ce qu’ils risquaient? Donner sa vie pour une cause plus grande que soi, n’était-ce pas le rêve des jeunes gens à cette époque? J’ai dû résister à la tentation que j’ai eue de faire de la réclame politique un peu trop poussée. Aussi bien. Nous sommes en élections… 

Que vous inspirent l’Irlande et ses combats?

J’ai vécu un an en Irlande. Je n’aurais jamais pensé faire cela. C’est arrivé ainsi, un hasard de la vie. Je croyais y retrouver une Écosse en miniature. Je m’étais trompé. C’est plutôt un Québec des années cinquante que j’y ai découvert, avec, en prime, l’affluence de tout un village à la messe du dimanche matin. Et cela m’a beaucoup plu. Au bout de ce périple, l’Irlande, pour moi, c’est la musique, la danse, les petites routes tortueuses, les moutons, les fish & chips, les gens d’une grande amabilité, les artisans qui répètent les mêmes gestes depuis des siècles, les bourrasques, la pluie, un vert unique. Un enchantement. Un pays qui inspire au mysticisme, même pour les plus athées d’entre nous.

Quant aux combats, je suis admiratif devant la vie de Michael Collins, l’un des principaux acteurs de la révolution et de l’indépendance irlandaise au début du XXe siècle. Liam Neeson a joué ce rôle dans un film extraordinaire (Michael Collins, 1996). C’est un peuple qui a acquis son indépendance. Mais ce ne fut pas gratuit. Les confrontations armées étaient inévitables.

Marguerite Maugeois (alias Maggie) vivra en Irlande de nombreux mois après que le bateau sur lequel elle voyageait fait naufrage. Elle sera protégée par des révolutionnaires et s’amourachera de l’un d’eux. Dans votre récit, quelle est la partie fictive? La partie réelle?

Dans tous mes romans, la trame chronologique et les principaux événements sont 100 % historiques. Pour moi, l’Histoire, ce sont des histoires. À titre d’exemple, le naufrage, la répression britannique en Irlande, la Société des Irlandais unis, l’invasion française et la défaite humiliante, l’emprisonnement et l’exécution des prisonniers de guerre sont tous des événements réels. Le bijou de Claddagh aussi. J’en ai offert un à mon épouse.

Theobald Wolfe Tone, Talleyrand, le général Hoche, le révérend William Jackson, Peter Daly, Charles Cornwallis, Paul Barras, entre autres, ont tous existé. Mais les personnages centraux de l’intrigue, Maggie, Nolan Lamport, les Pringle, les Langle, Albina Cadigan, Maude Béchenec, etc., sont le fruit de mon imagination.

Combien de temps passez-vous à la recherche historique lorsque vous écrivez un roman?

Dans la phase avant-projet, entre 6 et 10 semaines. Le gros de ma recherche, de mes lectures sur le sujet d’un nouveau roman se font en parallèle avec la fin de l’écriture du projet en cours. C’est souvent la relecture de sources que j’ai lues il y a des dizaines d’années, comme ce fut le cas pour Boadicée. Cependant, mes recherches se poursuivent au fur et à mesure de l’écriture. Genre : quel est le nom d’une rue? De quoi avait l’air telle ville, il y a 200 ans? Que mangeaient les paysans, la noblesse? Pleins de détails qu’il me faut vérifier, car j’aime faire vrai dans toutes les dimensions d’une époque.

D’où vous vient cette passion pour l’Histoire?

De mon père. Quoique de milieu modeste, il avait une bibliothèque et il aimait l’Histoire. Alors, fiston a fait comme papa. J’ai rencontré initialement Alexandre le Grand, Napoléon, Louis XIV, César et Boadicée grâce à ses livres. Je les ai conservés pour la plupart et m’y réfère toujours.

La deuxième réponse à la question, c’est que l’Histoire, pour moi, ce sont de grandes, d’immenses aventures, avec de grands, immenses personnages. Je ne lis pas de l’Histoire, je lis des aventures, des anecdotes. Comme Les trois mousquetaires de Victor Hugo. Ou Le comte de Monte Cristo. Ou Guerre et paix, de Tolstoï. Du panache, de la douleur, du courage, des traîtres pleins d’humanité qui tentent de survivre.

Une chose unit le temps présent et le passé : les personnes. Aimer, c’est aimer. Détester, c’est détester. Se sentir jaloux fait toujours aussi mal. Se sentir impuissant n’appartient pas à notre millénaire. Les personnes d’autrefois sont aussi belles ou décevantes que celles qui nous côtoient aujourd’hui. C’est ça le lien avec le passé, l’Histoire.

Que croyez-vous qu’il faille dans un roman historique pour que celui-ci soit captivant?

De l’action. Il faut que ça bouge, que les personnages déplacent de l’air et se déplacent dans l’espace. Ceci donne entre autres à l’auteur l’occasion de décrire plusieurs milieux de vie disparus, au plus grand profit du lecteur.

Du dialogue, car l’essentiel de toute histoire, ce sont les gens. Mais il faut qu’ils pensent, qu’ils agissent comme à l’époque que l’on décrit. Écrire un roman historique, c’est comme peindre une scène de Venise à l’époque des doges.

Une époque où il se passe quelque chose, des événements chocs qui affectent les gens, qui ébranlent. Cela donne une trame dramatique naturelle au roman, une ligne d’événements autour de laquelle on peut greffer personnages, actions secondaires, intrigues.

L’humour et le sens de la répartie. Les gens ont toujours aimé rire. Il s’agit de trouver ce qu’ils trouvaient drôle à l’époque…

En dernier lieu, l’auteur doit d’abord vouloir raconter et non pas enseigner.

Pourquoi suggérez-vous la lecture de Maggie d’Irlande?

Oh, la question piège!

En premier lieu, pour elle, cette magnifique Maggie. Aventureuse, engagée, dévouée au bien-être des autres. Rousse, le sourire moqueur. Philosophe à ses heures. Brave. Aimante. On veut tous tomber amoureux d’une Maggie.

Ensuite, pour l’époque des grandes révolutions, certaines avortées, comme celle de l’Irlande à ce moment-là. Elles ont formé l’Occident dans lequel nous vivons. Le passé nous montre les chemins de l’avenir, si nous désirons les connaître.

Enfin, pour l’Irlande, l’île d’émeraude. Je suis revenu de ce pays transformé, avec des souvenirs impérissables. Je désirais faire connaître cette petite île à mes congénères pour qu’ils s’y aventurent, un de ces quatre.

Y aura-t-il une suite (car la fin le suggère…)?

Peut-être. Je ne sais pas. Ce ne sont pas les idées qui manquent ni les personnages. Et souvent, je m’ennuie de Françoyse, Moone, alias Victoire, et de Maggie.

Avez-vous d’autres projets d’écriture?

J’ai un dossier dans lequel je note mes idées de projets. Parfois, ce n’est qu’un titre. D’autres, quelques paragraphes sur les grandes lignes de l’intrigue, le profil des principaux personnages. À l’occasion, comme ce fut le cas deux fois dans les trois derniers mois, une esquisse de plan sur plusieurs pages. Cela indique habituellement que quelque chose va en sortir. Et quand je referme le dossier, je me dis : « On verra. » Je pioche depuis près de 9 mois sur un nouveau projet. Je suis rendu à 90 000 mots, disons un peu plus des trois-quarts. Il a nécessité pas mal de recherche, mais ce fut plaisant. C’est l’histoire d’une des femmes les plus puissantes qui n’ait jamais existé.

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