L’ami Larousse nous dit :
Folklore : Nom masculin (anglais folk, peuple, et lore, science)
Ensemble des pratiques culturelles (croyances, rites, contes, légendes, fêtes, cultes, etc.) des sociétés traditionnelles.
En lisant cette définition, on accroche irrémédiablement sur « sociétés traditionnelles ». Comme quoi contes et légendes d’antan, fêtes annuelles et autres manifestations culturelles ne seraient rien d’autre que quelques vieilleries que l’on ressasse en souriant. Folklore et modernité ne vont pas de paire, à ce qu’il paraît.
Alors, comment expliquer l’intérêt actuel pour le folklore? L’engouement pour le « trad » québécois, la pérennité des Dimanches du conte ou encore le regain des techniques ancestrales de toutes sortes ne sont que quelques exemples de la vivacité du folklore aujourd’hui. Force est d’admettre en effet que folklorique ne rime plus avec vieillot.
Mais la conséquence n’explique pas la cause.
C’est en 2018 que j’ai compris le pourquoi du comment. Pour vous faire une histoire courte ‒ j’en ai d’autres, si vous aimez les histoires longues ‒ disons que ça m’est tombé dessus sans prévenir.
Je suis natif d’un hameau de la Mauricie, dans la région de Mékinac pour être précis. Il s’agit de Saint-Tite, pour tout vous dire (oui, oui, le lieu de naissance du célèbre Festival western). N’empêche qu’ayant poussé loin de la ville, à l’orée d’un rang, il a fallu parfois plus d’une once d’imagination fertile pour enjoliver la routine du quotidien. Ajoutez à cela des vacances estivales aux quatre coins du Québec (je vous le confirme, il y a des choses à voir dans la Belle Province) et vous avez la toile de fond pour le premier acte.
Dans ce contexte propice à la création débridée et aux voyages régionaux, j’en viens à une conclusion dramatique : ma région n’a rien à offrir en termes de folklore. Je ne connaissais ni chants locaux ni savoirs séculiers, encore moins de légendes de chez nous. Il faut se rendre à l’évidence, la Mékinac est désenchantée.
Je continue donc de pousser ‒ un peu de travers à l’occasion, vous m’en excuserez, mais il paraît que c’est aussi ça l’adolescence ‒ en remisant ma curiosité folklorique pour ma région d’origine. Comme le désenchantement ne vient pas seul, j’appris un jour qu’il me fallait gagner ma vie. Me voilà donc, en pleine nature, en train d’attiser le feu pour des gamins en camping. Qui dit feu, dit étincelle.
Celle-là fut flamboyante.
« T’en connais-tu, toi, des légendes qui se sont passées dans notre coin ? »
Black out, comme on dit en bon français.
La constatation est d’autant plus amère que je m’aperçois qu’en vingt printemps et quelques, je n’ai toujours pas répondu à cette question que j’avais moi-même posée à mon entourage lorsque j’avais l’âge de l’être humain à l’origine de cette interrogation.
En bon salarié sans expérience, j’en fais plus que nécessaire et deviens héraut de la culture locale.
« La semaine prochaine, je te reviens avec ça. »
De retour à la case départ. Ne réclamez pas 200 $.
Je me mets alors en quête de réponses avec, dans mes bagages, tous les outils fournis par ce haut lieu de savoir qu’est le cégep. Recueils de légendes sur la Mauricie, traités d’ethnologie (science fascinante parmi tant d’autres), articles de journaux, récits de voyage et littérature classique deviennent mes lectures de chevet.
Au bout du compte, je trouve une légende. Une obscure histoire de montagne maudite où règne une cohorte de squelettes. Mais de fil en aiguille, j’en déterre une seconde, puis une autre, et encore une autre…
Après une année, j’en ai sur tous les patelins du coin. Je recense les monstres qui dorment dans les eaux sombres des lacs, les hommes forts de la carrure de Louis Cyr, les sorcières tout aussi malignes et autres phénomènes .
La Mékinac est probablement plus enchantée qu’elle n’y paraît (elle serait d’ailleurs enchantée de vous accueillir, un jour).
En 2018, mon premier livre Légendes mékinacoises a été officiellement lancé dans le cachet d’un café de région (qui n’a rien à envier aux cafés urbains, soit dit en passant).
C’est à ce moment que j’ai compris.
Pourquoi l’intérêt pour le folklore?
Parce que le folklore, c’est nous.
Le folklore, c’est une chanson de grand-papa fredonnée à l’heure du dodo. C’est un personnage, bien vivant, mais plus grand que nature, qui devient une légende. C’est un maillage de tricot qui nous rappelle que le temps peut s’écouler lentement. C’est la peur de l’inconnu qui se matérialise sous forme de monstres. C’est un ramassis de sentiments qui perdurent, de souvenirs chapardés que l’on souhaite voir revivre et de douce nostalgie.
C’est surtout le goût de rêver qu’il y avait du bon et qu’il y aura du mieux.